Une des dimensions essentielles de la « psychodiversité » des tempéraments est celle
de l’introversion/extraversion. Il s’agit d’un continuum allant d’un très faible besoin de stimulations (introversion marquée) à un besoin très élevé de stimulations et de sensations
fortes (extraversion extrême). La majorité des personnes se situent autour d’un niveau moyen, ayant souvent besoin de stimulations, mais pouvant aussi s’en passer dans bien des cas. Il existe
environ 30 à 50% d’introvertis dans la population générale. Cette tendance personnelle à rechercher le calme ne doit pas être confondue avec la timidité, qui se définit comme une appréhension du regard de l’autre, même si ces deux traits sont fréquemment associés.
Notre société occidentale, et notamment dans le monde du travail, est organisée par et pour les extravertis. Ils se mettent le plus en avant, sont charismatiques, semblent réussir plus que les autres, et imposent d’une certaine manière leur « style » de comportement aux autres. Ainsi, dès l’école, le travail en groupe est valorisé, il faut parler en public, travailler à plusieurs, se montrer, impressionner. Dans les entreprises, les « openspaces » sont privilégiés, et les réunions constituent les points d’orgue de l’organisation du travail de chacun. Les extravertis en sont ravis, et y font preuve de toutes leurs compétences relationnelles.
Mais cette société de l’extraversion est-elle la plus pertinente ? Les individus y trouvent-ils leur bonheur et leur épanouissement, et les entreprises sont-elles ainsi plus efficaces ? Un livre, qui connaît actuellement un grand succès aux Etats-Unis, répond clairement par la négative à ces questions. Il s’intitule « Le pouvoir des introvertis dans un monde qui n’arrête pas de parler ». Son auteur, Susan Cain, ancienne juriste, y revendique le statut d’introvertie et le droit au silence et au calme. Son argumentaire repose sur la démonstration que beaucoup de grandes personnalités ont réussi malgré une forte introversion (Lincoln, Einstein, Ghandi,…). A intelligence égale, les introvertis ont en moyenne de meilleurs résultats scolaires et font preuve de plus de capacités d’empathie. Mais Susan Cain souligne aussi le fait que la culture exacerbée du travail en groupe est délétère pour la créativité de chacun. En effet, les personnalités les plus extraverties ont vite tendance à imposer leurs points de vue et leurs idées, que le groupe adopte facilement par effet d’entraînement, alors qu’il n’existe aucune corrélation entre charisme et intelligence. L’agitation et la persuasion de certains n’aident pas à faire émerger les bonnes idées que d’autres pourraient avoir.
Sans viser bien sûr à supprimer toute vie collective, et surtout les échanges informels et les moments de rapprochement qui génèrent aussi du bien être et de dynamisme créatif, il serait donc intéressant de respecter les tendances de chacun et de favoriser aussi le travail personnel, les temps de réflexion au calme, et de ne pas dévaloriser les moments de solitude. Il n’est d’ailleurs probablement pas anodin de constater l’engouement fort actuel pour les pratiques de méditation, qui répondent en grande partie à ce besoin individuel de silence et de retour sur soi.
Liens :
- "Quiet: The Power of Introverts in a World That Can't Stop Talking" par Susan Cain