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Ce blog est un lieu d'information sur les problèmes d'anxiété, de dépression et toutes autres difficultés psychologiques et les traitements existant pour ces troubles. Avec une volonté d'optimisme et de dédramatisation, dans l'optique de la psychiatrie positive.

Il ne s'agit en aucun cas de donner des conseils médicaux personnels.

Les informations données ici sont les plus objectives possibles, mais reflètent forcément les points de vue de l'auteur.

   Bonne lecture et n'hésitez pas à laisser des commentaires ou des questions.

L'auteur

Antoine PELISSOLO, psychiatre

14 avril 2018 6 14 /04 /avril /2018 08:19

   La douleur est une protection de notre corps contre les dommages physiques : elle nous alerte qu'une lésion est en train de se constituer, à cause d'une agression extérieure ou d'un  mal intérieur. En cas de danger immédiat grave, fracture ou brulure par exemple, elle devient insupportable pour que nous ne pensions plus qu'à cela : nous écarter de la source du danger, nous mettre à l'abri, nous réparer. La douleur est donc une condition essentielle et efficace de notre survie, et elle existe, sous une forme ou sous une autre, dans presque toutes les espèces vivantes.

   La peur et l'angoisse peuvent être conçues comme des réactions anticipant la douleur, pour nous protéger avant d'avoir mal et donc avant de nous blesser physiquement. Les effets ressentis sont une autre forme de douleur, que l'on appelle la douleur psychique, et qui fait donc partie également de notre "équipement" biologique inné contre les dangers qui nous menacent. L'angoisse précède la douleur physique, qui précède elle-même des dommages qui pourraient nous être fatals. Et comme la douleur physique peut être d'une intensité intolérable, la douleur morale peut l'être également, en théorie pour nous mobiliser entièrement contre un danger potentiel. D'ailleurs, les circuits cérébraux de la peur et de la douleur sont en partie les mêmes.

   Donc, vive la douleur ? Oui, sauf que... non ! Comme tout système biologique, les processus qui la contrôlent peuvent se dérégler et devenir inefficaces voire pathologiques. On connait en médecine des situations (rares) de disparition de toute douleur physique, avec les risques que l'on imagine. On connait surtout beaucoup de maladies dans lesquelles la douleur est trop vive, persiste trop longtemps voire devient permanente, déconnectée de toute menace corporelle réelle. Probablement du fait d'une hypersensibilité des "détecteurs de lésions" ou des "lanceurs d'alerte", ces substances cérébrales qui signalent à notre conscience qu'une agression physique est en cours quelque part dans notre corps.

    Et c'est exactement la même chose pour la peur et la douleur psychique, en beaucoup plus fréquent et varié. En dehors des situations simples et claires de menace immédiate auxquelles  notre organisme répond de manière réflexe et très efficace (un lion qui rugit à trois mètres de vous, ou un gouffre de vingt mètres de hauteur dans lequel il vaut mieux éviter de tomber), la plupart de nos peurs sont plus complexes car elles sont basées sur une anticipation un peu virtuelle. Nos capacités de projection dans l'avenir, basées sur la prodigieuse aptitude de notre cerveau à naviguer dans le temps, sont infinies et très efficaces, pour éviter un danger susceptible de survenir, à court ou long terme. Nous pouvons ainsi organiser notre travail pour éviter de manquer de ressources, financières et donc alimentaires, indispensables à notre survie. En anticipant les accidents, nous adaptons nos comportements en choisissant les options de déplacement les plus sûres. Et cela de manière permanente et souvent automatique, sans en avoir aucune conscience réelle.

   Mais cette évaluation des risques qui se fait malgré nous, basée sur nos connaissances, nos expériences, nos instincts (certaines peur sont codées dans nos gènes), et nos capacités de simuler l'avenir pour essayer de le prévoir, peut faire l'objet de très nombreux dysfonctionnements. Plutôt en général par excès que par défaut, comme pour la douleur physique. Un exemple caricatural en est le psychotraumatisme : avoir vécu une expérience de menace de mort ou de douleur extrême une seule fois peut suffire à produire une peur quasi-permanente et à vie de toute situation ressemblant à celle vécue, même si le danger n'existe plus du tout. L'être humain est doté d'une mémoire et d'une capacité d'analyse, consciente ou non, tellement riche et puissante que le prix à payer, en cas de dysfonctionnement, peut être terrible. Déclenchée sans raison et surtout maintenue sans contrôle ni compréhension, la douleur psychique peut être insupportable et infinie. Quelles qu'en soient les causes, probablement très variées et encore mystérieuses le plus souvent, la plupart des maladies émotionnelles comme les phobies, les troubles anxieux et même de nombreuses dépressions, reposent sur ce mécanisme de dérégulation des systèmes de la peur et de la douleur psychique.

   Car la douleur, quand elle dure et échappe à toute compréhension, peut devenir obsédante et même s'auto-entrenir et s'auto-aggraver : voulant légitimement la faire céder, nous luttons en permanence contre elle et donc, en réalité, contre nous même. Car le système de la douleur est tellement ancré dans notre biologie, pour notre survie, que vouloir le faire taire est aussi vain que vouloir s'empêcher d'avoir faim ou d'avoir soif. On peut, grâce à certaines stratégies dont sous sommes dotés également par la nature (distraction, déni, dissociation, ...), échapper transitoirement aux signaux douloureux, qu'ils soient physiques ou psychiques. Mais cette quête de l'insensibilité est vaine et aboutit le plus souvent à un échec : la douleur revient toujours d'une manière et d'une autre, surtout quand certaines pathologies durables la sous-tendent, avec en plus un sentiment d'échec et de colère envers soi-même.

  C'est ainsi que l'on peut distinguer la notion de douleur, processus physiologique élémentaire essentiel à notre protection, et la notion de souffrance, qui serait la conséquence psychique voire "méta-psychique" des douleurs pathologiques. Avoir peur d'avoir mal, avoir peur d'avoir peur (dans l'avenir), avoir eu peur d'avoir peur ou d'avoir mal (dans le passé), et surtout s'en vouloir, ressasser, chercher à supprimer toute sensation rappelant ces vécus douloureux, tout ceci génère une souffrance parfois envahissante, durable et handicapante. 

   Alors, quelles solutions envisager ? Très logiquement voire naïvement, la première est bien sûr de chercher la "cause" des douleurs pour la supprimer. Dans le champ somatique, cela consiste à identifier une maladie sous-jacente et à la soigner, ce qui est souvent possible. Dans le champ psychologique, c'est un peu  plus complexe mais on peut également identifier la source de certaines peurs et de certaines angoisses excessives, dans des réflexes phobiques innés, dans des événements passés, et surtout dans une lecture biaisée que notre esprit fait des dangers potentiels qui nous entourent ou pourraient nous entourer. C'est là tout l'intérêt des différentes formes de psychothérapie, qui permettent de changer de point de vue mental sur les événements passé, présents et à venir et, en réalité, sur notre vulnérabilité face à eux.

   Mais, dans bien des cas, ces traitements "à la racine" ne sont pas réellement suffisants. Soit parce que certains dysfonctionnements sont tellement ancrés dans notre biologie qu'on n'en retrouve pas vraiment une cause claire, soit parce que les facteurs qui les influencent sont changeants, enfouis, insaisissables et, surtout, répétitifs. Il peut donc être intéressant de compléter l'objectif  "supprimer la cause de la douleur" par la démarche "apprendre à moins souffrir de la douleur". Ceci nécessite effectivement un apprentissage car, par définition, la douleur est là pour nous faire souffrir ! Et, en général depuis notre naissance, nous avons toujours tout fait pour éviter d'avoir mal, au prix d'aménagements de vie et d'attitudes mentales nous conduisant à fuir la douleur, mais sans vraiment y parvenir le plus souvent. Il est pourtant  possible de modifier et d'atténuer ces réflexes, en adoptant une posture différente par rapport à la douleur. Cette posture n'est pas simple à définir, car elle associe des composantes de tolérance, d'acceptation et de distanciation par rapport à ce qui fait mal en soi. Il s'agit bien, dans la finalité, de moins souffrir, mais en adoptant une attitude consistant à se confronter à une certaine "dose" de douleur. Le but est en réalité d'aboutir à faire la paix avec soi-même, en acceptant cette réalité que, à certains moments au moins, la douleur fait partie de nous-même et que vouloir la nier ou la faire taire revient à nous battre contre notre intimité voire notre identité.

   Cette démarche de compréhension et de changement face à la douleur est celle qui sous-tend les méthodes de thérapies par la méditation de pleine conscience (dites également "mindfulness"). Elles reposent sur une vision globale de notre rapport au monde et à la vie, qui associe les dimensions émotionnelles, mentales et corporelles qui sont effectivement en interaction complète et permanente. La dimension spirituelle, très présente dans les pratiques méditatives traditionnelles, n'est pas complètement absente mais y est plus secondaire, en tout cas sans aucune composante religieuse ou mystique. Les programmes thérapeutiques reposent sur des règles très codifiés et validés, qui passent notamment par le guidage de l'attention, et permettant un changement par l'apprentissage mais surtout par la pratique et l'expérience. Ils ont été initialement conçus pour aider les personnes souffrant de stress excessif et de dépression, mais s'appliquent aussi très bien, pour toutes les raisons déjà évoquées, à toutes les formes de douleurs psychiques et physiques rebelles, en complément des traitements spécifiques.

  Le livre de Stéphany Orain-Pelissolo propose, sur la base de sa longue expérience de psychologue et psychothérapeute utilisant notamment la méditation de pleine conscience, de s'approprier cette approche pour mieux faire face à toutes les formes mal-êtres. Son titre, "Etreindre votre douleur, éteindre votre souffrance", reflète clairement son état d'esprit et les objectifs de son auteure.  Elle apporte d'abord des explications détaillées des mécanismes en cause, illustrés par de nombreux témoignages et histoires individuelles les incarnant, puis surtout un accompagnement concret pour la pratique individuelle de la méditation à l'aide de textes et d'enregistrements audio. Ceci ne remplace probablement pas les programmes thérapeutiques, et notamment les protocoles de pleine conscience en groupe guidés par un instructeur, mais peut offrir des outils déjà très utiles en eux-mêmes ou dans la perspective d'une première sensibilisation.

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