
Les intestins et leur charme discret sont à la mode, et le « deuxième cerveau » semble devenu le centre névralgique de notre santé, aussi bien physique que mentale. Certes. Mais un autre organe me semble au moins aussi crucial, et pourtant bien oublié : le poumon. Molière ne saurait pas mieux dire.
La respiration et l’oxygène sont indispensables à la vie, mais il y a mille manières de respirer. C’est habituellement le cadet de nos soucis, puisque tout se fait automatiquement, jour et nuit sans y penser alors que nous avons déjà tant de choses à surveiller et à contrôler (bien marcher, bien manger, bien boire, bien éliminer, etc.). Pourtant, bien respirer peut vous changer la vie, et mal respirer vous causer quelques soucis.
Le syndrome des apnées du sommeil en est le meilleur exemple. Son dépistage est encore très insuffisant, mais le nombre des personnes touchées est déjà impressionnant et dépasse largement le cadre des « profils » à risque tel qu’on l’envisageait initialement (hommes d’un certain âge et d’un certain poids surtout). Son influence sur la mortalité cardio-vasculaire est maintenant bien établie, et justifie un traitement le plus souvent salvateur, malgré la contrainte des masques nocturnes. Mais les effets délétères pour la santé des apnées sont loin d’être toutes connues, et en particulier pour la santé mentale. En plus de la somnolence, elles peuvent induire de la fatigue, de la dépression et aggraver toutes autres formes de symptômes neuro-psychiques liées à une mauvaise oxygénation du cerveau. Les psychiatres devraient donc explorer cette piste chez tous leurs patients.
Mais une bonne respiration est aussi essentielle le jour. Sans parler de tous les polluants de l’environnement, le mode de vie et le stress mettent à mal l’oxygénation de nos neurones. A force de courir après le temps, au point de manger debout ou à toute vitesse, et de finir la journée à bout de souffle, nous passons une bonne partie de notre temps en apnée ou avec une respiration désordonnée et peu efficace. Sans parler des attaques de panique et des crises d’hyperventilation. Beaucoup de fumeurs utilisent leur pause-cigarette comme un moment de détente leur permettant de respirer plus calmement, quel paradoxe quand on sait ce qu’ils absorbent alors…
Il n’est pas étonnant que toutes les méthodes de relaxation, de méditation, de yoga et de bien-être reposent en grande partie sur la régulation et la prise de conscience de la respiration. Des principes simples permettent de créer les conditions d’un ressourcement vital et d’une sérénité durable : respirer lentement, accorder toute sa place à l’expiration, favoriser la cohérence entre le rythme cardiaque et le rythme respiratoire, tenir le dos droit pour que les poumons puissent prendre toute leur ampleur. Ce sont des piliers essentiels du traitement au long cours des troubles anxieux, bien supérieurs aux benzodiazépines (ces anxiolytiques qui aggravent les apnées du sommeil…).